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Epron : un bout de machin sans queue, ni tête

La route D226b relie Epron (D7, route Caen-Douvres) à Hérouville (D60, route de Lion, quartier de Lébisey). Il y a quelques mois, une courte portion de cette D226b, côté Epron, au carrefour avec la D7, a fait l’objet de longs travaux. On pouvait espérer que cette remise à plat faciliterait la vie des cyclistes. Il n’en est rien : une fois de plus, les concepteurs ont démontré leur méconnaissance des règles et des besoins de la circulation à vélo. Un aménagement sans queue ni tête, une piste cyclable sans entrée ni sortie.

Plantons le décor avant de le visiter.

Un itinéraire de liaison pour les cyclistes … Les cyclistes ne pouvant pas circuler sur le boulevard périphérique, cette route fait partie pour eux des itinéraires de liaison, d’autant qu’elle permet de relier deux équipements cyclables essentiels : la piste cyclable de la D7 (axe Caen – Douvres) et la voie verte Caen – Ouistreham (chemin de halage du canal). C’est aussi, et de plus en plus, un axe important pour les automobilistes, en particulier aux heures de pointe, lorsqu’ils cherchent par exemple à échapper aux ralentissements du périphérique, ou du grand giratoire Côte de Nacre sur la D7.

… mais aussi pour les automobilistes. Lancée dans cette « course à l’échalote »  que constitue la recherche de fluidité du trafic automobile aux heures de pointe, Caen-la-Mer, avec l’appui du conseil départemental et du conseil régional, vient de relancer le projet de « second périphérique nord » (anciennement dénommé LIQN « liaison inter quartiers nord ») qui doit, à terme, relier l’autoroute A13 à Mondeville à la nationale 13 du côté d’Authie. A ce titre, un premier gros chèque est en passe d’être signé pour réaliser la portion qui gênera le moins de riverains, et génèrera donc le moins de contestation, à savoir le tronçon Colombelles (plateau SMN) – canal, avec franchissement de l’Orne. Vendue comme élément indispensable à la circulation des camions sur le port (de Ouistreham et des bassins du canal à l’A13 sans passer par le viaduc de Calix), et à la réalisation du nouveau tram fer (interdiction des camions sur le pont Stirn), cette route augmentera l’attractivité de cet itinéraire pour les automobilistes, et donc le trafic sur la petite D226b.

Une urbanisation croissante. De son côté, Epron urbanise la « rive droite » de la D7, au nord du Ganil, et  les surfaces agricoles disparaissent entre Hérouville (Lébisey), Biéville-Beuville et Cambes en Plaine (La Bijude), au profit de zones commerciales et d’habitat, et donc d’un trafic accru. C’est dans le cadre de cette urbanisation que la D226b a été refaite.

Un aménagement cyclable« en dépit du bon sens ». Certes, et c’est rare, la loi a à peu près été respectée puisqu’un aménagement cyclable a été réalisé à l’occasion des travaux. Rappelons en effet que depuis 1998 et la « loi sur l’air », tous les travaux de voirie en agglomération doivent donner lieu à la création d’aménagements cyclables. (NDLR : Loi n° 96-1236 du 30 décembre 1996 sur l’air et l’utilisation rationnelle de l’énergie). Mais, hélas, cet aménagement est fait en dépit du bon sens. Voyons cela de plus près.

Sur une centaine de mètres, la route a donc été entièrement refaite. Bordée au nord par des maisons sur un côté, elle en a été éloignée par un trottoir assez large, joliment pavé, et une bande de végétation. Les riverains s’étant empressés d’utiliser le trottoir pour y stationner leurs véhicules, celui-ci est de fait impraticable. La chaussée a été élargie et revêtue d’un beau bitume noir et lisse : les voitures s’y croisent sans problème sur deux larges voies, et peuvent y rouler plus vite qu’avant. La vitesse limitée à 50 km/h, et la proximité du carrefour à feux avec la D7 limitent toutefois les ardeurs des plus pressés.

Une piste cyclable bidirectionnelle. Côté sud, un espace revêtu de pavés de deux teintes différentes a été créé, un étage au-dessus de la chaussée. Des logos au sol, incrustés dans le pavage et peu visibles, permettent quand on s’approche de comprendre que l’espace clair est une piste cyclable bidirectionnelle, et l’espace foncé un trottoir. Entre les deux sont plantés des candélabres, et, aux carrefours, de nombreux petits potelets à l’utilité énigmatique, si ce n’est de constituer de dangereux obstacles pour les cyclistes un peu distraits.

Voici les critiques :
1)   En zone urbaine, une piste bidirectionnelle n’est pas l’aménagement le plus pertinent. La piste cyclable, par définition séparée de la chaussée (ici par une bordure), est difficile à rejoindre ou à quitter pour qui ne veut pas l’emprunter sur toute sa longueur. Bidirectionnelle, elle ajoute des traversées (et donc du danger) pour qui  circule « à contre sens ». Sur une distance courte, ces inconvénients sont encore plus sensibles.
2)   Largeurs non respectées. Une piste cyclable bidirectionnelle doit avoir une largeur minimum de 3m, exceptionnellement 2,50 m. Un trottoir doit avoir une largeur minimum utile d’1,40m. C’est la règle, et elle n’est pas respectée.
3)   Séparation non respectée. Une piste cyclable située au niveau du trottoir doit être physiquement séparée de celui-ci, pour permettre aux personnes malvoyantes de se repérer, et pour éviter les conflits piétons/vélos. Il y a ici une séparation visuelle mais non tactile : ce n’est pas réglementaire.
4)   La signalisation de police est presque inexistante : on ne voit que des panneaux de « fin de piste », au milieu de l’aménagement, avant une traversée de rue. On peut craindre une mise en cause des cyclistes en cas d’accident. Un piéton renversé par un cycliste pourra prétendre que c’est un trottoir, aucun panneau réglementaire ne signalant un début de piste. De même, un cycliste en conflit avec un automobiliste au carrefour pourra se voir reprocher de circuler à contresens (plus de piste dans le carrefour : il faudrait « logiquement » traverser et reprendre la chaussée…)
5)   Mais le plus étonnant est que cette piste est presqu’impossible à rejoindre ou à quitter. Depuis Hérouville, on doit traverser et monter sur le trottoir sans aménagement, et, au bout, il est impossible de rejoindre la piste de la D7 vers Caen, tandis que, vers Douvres, aucun rappel des feux n’est visible, ce qui met l’usager en danger. Depuis Caen (notons au passage que les cyclistes venant de Douvres n’ont pas le droit de tourner à gauche et ne sont donc pas autorisés à emprunter la D226b !), et après avoir parcouru la centaine de mètres de cet aménagement, le revêtement s’interrompt brutalement, et, après avoir contourné un panneau publicitaire, on se retrouve sur un terre-plein engazonné, puis devant une clôture protégeant un profond bassin de rétention des eaux pluviales … Et oui : le raccordement de la nouvelle chaussée a été fait, mais la piste n’a pas d’issue, et ne pourra pas en avoir dans l’avenir, sauf à combler ce bassin (peu probable !), ou à prévoir une traversée pour la poursuivre de l’autre côté vers Hérouville, augmentant ainsi les risques pour les cyclistes.

Alors ? Un coup pour rien ? C’est pire : certains automobilistes ont bien repéré là quelque chose qui devrait leur permettre de voir les cyclistes écartés de leur trajectoire. Aussi, depuis l’ouverture de ce petit tronçon, et malgré une chaussée plus large qu’avant, les cyclistes qui ne circulent pas sur ce bout de machin sans queue ni tête doivent subir leur mauvaise humeur, et se trouvent dans une situation plus risquée qu’avant …

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Côté Epron il est difficile de se réinsérer vers Douvres et impossible d’aller vers Caen. Depuis Douvres il est interdit aux cyclistes de tourner vers Herouville

Côté Herouville la piste s’interrompt brutalement. Aucun accès ni aucune sortie ne sont prévus.

Au carrefour, des potelets inutiles et dangereux.

Les riverains ont vite annexé le trottoir pour y stationner tandis qu’en face piste et trottoir ne présentent pas les caractéristiques réglementaires (largeur séparation signalisation)

En venant d’Hérouville, l’entrée n’est pas prévue …

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